Pierre Daigle revient de loin – Le Soleil, 21 janvier 2017

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(Québec) C’était le 2 septembre 2012. Comme tous les matins, Pierre Daigle se paye une sortie d’une heure à vélo. Ce dimanche-là, histoire d’aller vérifier si le système d’alarme est bien en fonction à son commerce Lessard Bicycles, sur le boulevard du Versant-Nord, il emprunte pour la première fois un trajet passant par le boulevard Wilfrid-Hamel. À l’intersection de l’avenue Saint-Sacrement, un véhicule le fauche à 80 km/h. La vie de l’homme de 57 ans vient de basculer à jamais.

Traumatisme craniocérébral, multiples fractures, poumon perforé, disque de la colonne vertébrale écrasé, la liste des séquelles est longue. Il sera hospitalisé pendant six semaines à l’Enfant-Jésus, avant de prendre le chemin de l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec pour un an et demi.

«J’ai été dans le coma pendant un mois. Pendant deux ans, ma vie a été un trou noir. Je ne me souviens plus de rien», confie-t-il au Soleil, attablé dans la cuisine de son condo du secteur Lebourgneuf. À ses côtés, sa conjointe des 40 dernières années, Élaine Anctil, qui l’a courageusement épaulé pendant cette douloureuse épreuve.

Les photos de l’accident témoignent de la violence de l’impact. Le pare-brise de la voiture est fracassé, le toit amoché. Son casque lui a sauvé la vie. «Si je ne l’avais pas porté, je ne serais pas là en train de te parler.»

Il qualifie de véritable «miracle» le fait de pouvoir marcher à nouveau. Les médecins étaient convaincus qu’il conserverait des séquelles importantes, qu’il resterait «éteint» à jamais. Il a déjoué les pronostics grâce à une intervention chirurgicale qui a permis l’installation d’un drain permettant l’évacuation du liquide céphalo-rachidien autour de son cerveau. Sa bonne forme physique a joué dans la balance. «Si l’accident était survenu il y a 15 ans, je serais en chaise roulante.»

Passion intacte

Quatre ans et demi après cette journée marquée du sceau de la fatalité, Pierre Daigle doit apprendre à composer avec ses limites et incapacités.

Au premier coup d’oeil, rien ou si peu indique que ce père de deux enfants a été victime d’un si terrible accident. Mais lui sait qu’il n’est plus le même homme. La concentration fait défaut. La fatigue vient rapidement. Il ne peut plus conduire son véhicule. Il doit prendre des médicaments contre l’épilepsie. Dans sa tête, il sent une pression continuelle, comme un serrement. «Je dois apprendre à gérer mon énergie, sinon j’en paye le prix.»

Malgré le drame, sa passion pour le vélo est demeurée intacte. Craintif, il ne roule toutefois plus que sur les pistes cyclables. L’été prochain, il vise faire plus de 5000 kilomètres. «Lorsque je fais du vélo, c’est le seul moment où je ne sens pas cette pression dans ma tête. Je pense à rien d’autre.»

Son éprouvante expérience l’amène aujourd’hui à prononcer des conférences sur le traumatisme craniocérébral et à faire du bénévolat à l’Association des TCC des Deux-Rives. Il collabore aussi à l’écriture d’un livre. Une façon pour cet homme jadis si énergique, qui s’était investi entièrement dans son travail au point de travailler jusqu’à 100 heures par semaine, de se rendre utile.

Mal au coeur

Pendant 27 ans, l’homme originaire de Saint-Pamphile n’a pas ménagé son énergie pour faire rouler son commerce, au point de frôler le burn-out. Le matin de son accident, c’était la première journée de congé qu’il prenait de l’été. Les quatre magasins de Lessard Bicycles ont compté un certain moment jusqu’à 55 employés, avec un chiffre d’affaires annuel de 5 millions $. «J’ai déjà vendu 5000 bicyclettes en une année. Personne n’en vendait autant au Canada.»

Pierre Daigle n’a jamais pu retourner travailler. L’accident a entraîné la faillite de son entreprise. Faute de revenus, le couple a dû se résigner à vendre sa maison de Lac-Beauport.

«À toutes les fois que je passe devant le magasin, ça me fait mal au coeur, glisse-t-il. Tu peux pas t’imaginer comme ça me manque de vendre des vélos, de faire l’administration, de rencontrer des clients. C’est terrible.»

«On apprend à apprécier chaque petite chose, chaque petit bonheur. Ça vaut tellement cher», termine son épouse.

Paru le 21 janvier 2017 sur Le Soleil – Voir l’article original

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